La BDC investit 160 millions de dollars pour soutenir le développement de la PI canadienne
La Banque de développement du Canada (BDC) a investi 160 millions de dollars pour contribuer à l’amélioration du bilan peu reluisant du Canada en termes de commercialisation de la propriété intellectuelle (PI), en finançant des jeunes entreprises qui cherchent à tirer profit de leurs idées.
La société d’État, un acteur de premier plan dans le financement du secteur canadien de l’innovation, fournira, sous forme de prêts et d’apports de capitaux, une aide financière aux nouvelles entreprises qui génèrent des recettes provenant des inventions brevetées qui leur appartiennent ou qui sont homologuées. Pour veiller à l’exécution du programme, la BDC a recruté toute l’équipe (5 personnes) de Quantius Inc., un prêteur commercial basé à Toronto qui se spécialise dans le financement des entreprises qui possèdent des actifs incorporels comme des brevets et des marques de commerce.
Selon Lally Rementilla, directrice générale de Quantius et cadre financière chevronnée du secteur des technologies, « Il doit exister une meilleure façon d’investir et de prêter aux entreprises fondées sur le savoir ». S’associer avec la BDC est « une étape plus importante qui nous permettra de le faire dans les bonnes proportions ».
Corriger la faiblesse chronique du Canada en termes de capitalisation sur la PI est devenu une priorité du gouvernement libéral au cours de son dernier mandat après que les promoteurs de l’industrie, notamment Jim Balsillie, ancien président et co-directeur général de BlackBerry Ltd., ont poussé le gouvernement à agir. Avec d’autres homologues du secteur, il a soutenu que le Canada accuse des retards importants par rapport à d’autres nations relativement à la PI. Le nombre de dépôts de brevets, par personne, est nettement inférieur à celui de la Chine, des États-Unis et de l’Allemagne, alors que la proportion moyenne de la valeur des entreprises publiques canadiennes attribuable aux actifs incorporels comme la PI est seulement 70 %, comparativement à 91 % pour les entreprises de l’indice boursier S&P 500. Les universités et les instituts de recherche canadiens demeurent loin derrière leurs semblables américains en termes d’octroi de licences pour les inventions dans leurs campus et de création de nouvelles entreprises.
En 2018, le gouvernement canadien a annoncé une stratégie en matière de PI qui comportait une répression juridique des « chasseurs de brevets » (sociétés écrans qui poursuivent les entreprises innovatrices pour violation de brevet), en plus d’une aide financière pour l’éducation et la sensibilisation à la PI et le lancement d’un « collectif de brevets » pour l’achat et le maintien des brevets que les entreprises canadiennes peuvent homologuer pour se protéger contre les poursuites liées à la PI.
Le fonds de la BDC – qui est distinct de la stratégie en matière de PI – « est une évolution encourageante », selon M. Balsillie, qui a été consulté sur les deux initiatives. « Si le Canada l’avait fait 20 ans plus tôt, nous aurions pu positionner notre économie pour en assurer la prospérité dans le marché mondial propulsé par la PI et les données ».
Jérôme Nycz, vice-président exécutif de BDC Capital, a mentionné que le fonds n’est qu’un point de départ pour la banque qui s’habitue à financer des entreprises en fonction de leur potentiel de PI. Selon lui, « Comme pour plusieurs autres initiatives de BDC Captial, il s’agit d’un projet de démonstration; si nous remarquons une pression importante sur le marché et que nous devons [augmenter notre financement] dans trois ans, nous le ferons ».
Le fonds ciblera les entreprises ouvertes sur le monde qui génèrent des recettes annuelles d’au moins 1 million de dollars provenant des ventes de produits de PI dans un éventail de domaines et qui ont éprouvé des difficultés à obtenir un soutien de la part des bâilleurs de fonds traditionnels. La BDC investira entre 3 et 10 millions de dollars par entreprise. Selon Mme Rementilla, « ce financement fera partie d’une stratégie très souple, patiente et hautement personnalisée ».
Même si la BDC mettra l’emphase sur les entreprises dotées de stratégies de PI qui sont clairement énoncées, son aide financière sera affectée à leur fonds de roulement et elle ne sera liée à aucun indicateur de rendement de la PI. Selon Mme Rementilla, « pour nous, le critère de réussite sera la croissance de ces entreprises ».
Le pays est toujours au premier stade d’élaboration de ses clapotis de PI. Selon M. Basillie, la BDC devrait augmenter la taille du fonds et les politiques gouvernementales devraient être conséquentes « pour nous permettre un rattrapage en termes de génération, commercialisation et protection de la PI au profit de l’économie canadienne ».
Les commentateurs ont soulevé des problèmes chroniques, y compris le manque de sophistication de la PI dans les sociétés canadiennes de haute technologie. Plusieurs inventions canadiennes ont été mises sur le marché par des entreprises étrangères, alors que la majorité des principaux déposants de brevets d’intelligence artificielle (IA) au Canada sont des entreprises étrangères. Entre-temps, des préoccupations ont été exprimées à l’effet que les précieuses découvertes financées par les fonds publics qui sont réalisées sur les campus des universités et des instituts de recherche canadiens continuent de passer aux mains d’entités étrangères avec relativement peu d’avantage économique domestique.
Par exemple, l’entreprise chinoise Huawei Technologies Co. Ltd. est un des principaux bâilleurs de fonds privés pour la recherche universitaire canadienne dans des spécialités domestiques comme la technologie sans fil 5G et l’IA. L’entreprise a obtenu les droits de propriété d’inventions financées par les fonds publics en dépit de problèmes de sécurité qui ont mené à l’interdiction de son matériel dans les réseaux sans fil 5G dans quatre des cinq principales nations qui partagent leurs renseignements (le Canada est le seul membre de l’alliance qui ne l’a toujours pas interdit). Les universités canadiennes financées par Huawei ont en grande partie ignoré ces préoccupations, précisant qu’elles ne refuseront pas l’aide financière de l’entreprise, sauf si elles reçoivent des instructions explicites du gouvernement à cet effet.
* Cet article a initialement été publié par le Globe and Mail le 16 juillet 2020. Cliquez ici pour consulter l’article original.
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