Profil de membre de l'IPIC : Richard Levy
Voici le deuxième numéro de la série de profils de membres de l’IPIC affichés sur le blogue L’OPInion qui présente une entrevue mensuelle réalisée avec un professionnel canadien de la PI pour discuter de ses réalisations professionnelles, ses intérêts et sa perspective d’ensemble sur la profession de la PI. Membre de l’IPIC depuis 1986, Richard Levy a siégé au sein de plusieurs comités de l’Institut, en plus de présider le Comité sur le mode alternatif de résolution de conflits. Il exploite son cabinet privé Levy IP Law and Dispute Resolutions basé à Montréal.
IPIC : Qu’est-ce qui vous a encouragé à poursuivre une carrière dans le domaine de la PI?
RL : Le tout a débuté en 1983; lorsque mon cabinet faisait preuve de diligence raisonnable dans le cadre de l’acquisition des actifs hockey de la société CCM par un de nos clients, j’ai été invité à examiner les brevets, les dessins industriels et les marques de commerce pour les patins, les chandails et les casques de hockey de l’entreprise. Cette tâche m’intéressait beaucoup, ayant personnellement utilisé tous ces produits. Un certain nombre d’années plus tard, je faisais partie de l’équipe juridique qui représentait un fabricant de traîneau à trois skis qui était poursuivi pour substitution (apparence du traîneau) et violation d’un brevet de mécanisme de dispositif de prévention d’emballement. Mon intérêt et ma confiance dans la PI ont augmenté. Peu après, j’ai été embauché à titre d’avocat général de CCM Hockey et de sa filiale qui fabriquait des produits récréatifs et des jouets. Dans ces entreprises, la PI demeure un sujet majeur de préoccupation et je suis ressorti de cette période de 7 ans en connaissant beaucoup plus le droit américain en matière de brevets, de marques de commerce et de dessins industriels. Lorsque j’ai décidé de retourner en pratique privée en 1997, j’avais entretenu des contacts avec un cabinet de pratique générale implanté à Montréal qui recherchait un spécialiste en PI; j’ai donc saisi l’occasion qui m’était offerte.
IPIC : Quel est le cas/client le plus mémorable sur lequel vous avez travaillé/avec lequel vous avez collaboré et pourquoi?
RL : Lorsque la planche à neige est devenue une activité très prisée, l’entreprise pour laquelle je travaillais a embauché un designer industriel très connu pour concevoir, pour le prix d’entrée sur le marché, des planches à neige moulées par soufflage. Notre agent de brevets a téléphoné pour nous annoncer une nouvelle surprenante; il avait découvert un brevet américain non expiré qui semblait couvrir toutes les planches à neige offertes sur le marché – un « brevet pionnier ». N’ayant pas été attribué à quelque entreprise que ce soit, y compris les plus connues, cela voulait dire que si nous achetions ce brevet, nous ne porterions pas atteinte et, en plus, nous pourrions obtenir des redevances pour chaque planche à neige vendue aux États-Unis. Peu après, j’ai organisé une rencontre avec l’inventeur et je lui ai demandé qu’est-ce qui l’avait fait réaliser qu’avoir les deux pieds attachés dans des fixations aux bons angles permettrait au surfeur de mieux manœuvrer sa planche que de simplement placer ses pieds sur la planche et de la diriger à l’aide d’une corde. Sa réponse - la manœuvre visant à incliner son hélicoptère au Vietnam lui avait fait connaître les forces gravitationnelles – était très logique et je lui ai présenté une offre d’achat pour son brevet. Quelques jours plus tard, son agent de brevets m’a téléphoné pour m’informer que la compagnie de planches à neige no 1 qui avait déjà démontré un intérêt pour le brevet « s’était manifestée » et que l’inventeur avait conclu une entente avec celle-ci. Peu après, cette entreprise nous a demandé des redevances, ainsi qu’à tous les autres fabricants de planches à neige. Cependant, la compagnie a dû reculer lorsque plusieurs revues populaires de planche à neige l’ont éviscérée pour « avoir agi en qualité d’entreprise », en violation de l’éthos de « gars » de planche à neige et « d’atelier de sous-sol ». Selon les mots d’Alanis Morissette - « And isn't it ironic, don't you think? »
IPIC : Dans quelle mesure le fait d’être membre de l’IPIC vous a-t-il été profitable?
RL : Parmi beaucoup d’autres avantages, ma participation au sein du CRAD, qui m’a mené à sa présidence, a été la plus gratifiante. Elle m’a permis de réfléchir davantage aux articles sur la médiation et l’arbitrage pour les publications de l’IPIC avant de les rédiger, en plus de planifier des webinaires pertinents et d’y participer. Par-dessus tout, elle m’a permis de rencontrer, dans toutes les régions du pays, plusieurs membres de l’IPIC qui sont passionnés par le RAD, dont certains sont devenus de grands amis.
IPIC : Selon vous, quelle direction l’industrie prendra-t-elle au cours des cinq prochaines années?
RL : Selon moi, la tendance actuelle progressera graduellement vers une résolution plus rapide, économique et pratique des différends. Cette évolution découlera des efforts déployés par la Cour fédérale concernant l’utilisation des technologies en ligne et de l’expertise des protonotaires pour simplifier et arbitrer les différends. Elle sera également le résultat de la canalisation précoce des différends vers des plateformes en ligne et des médiateurs privés qui sont spécialisés dans le domaine pertinent du différend.
IPIC : Quel est votre plus grand défi à titre de professionnel de la PI?
RL : Selon moi, le plus grand défi demeure la création d’une culture de médiation au Québec et dans le reste du Canada. Trop peu d’hommes d’affaires et d’avocats, autres que ceux qui exercent leur profession dans la Cour fédérale, perçoivent la médiation comme une voie crédible menant à la résolution. Cela est en partie causé par l’instinct de vilipender la partie adverse (« Elle n’en verra jamais la raison ») et en partie parce que certains considèrent que suggérer la médiation représente un signe de faiblesse et que plusieurs autres ne comprennent pas comment le processus lui-même crée une dynamique de règlement qui est simplement absente dans les négociations directes entre avocats.
IPIC : Quel domaine de la PI vous intéresse le plus et pourquoi?
RL : Dans le domaine des marques de commerce, je suis plus particulièrement intéressé par l’utilisation de la psychologie et d’autres sciences sociales pour éclairer des questions comme l’inhérente similitude des marques de commerce. Par exemple, la jurisprudence précise que la première partie d’une marque de commerce pèse beaucoup plus dans l’évaluation de la confusion. Est-ce qu’il existe des données psychologiques à l’appui de cette règle empirique ou s’agit-il simplement d’un dogme? Voilà le type de questions fréquemment analysées par les psychologues. Le droit d’auteur est un autre domaine dans lequel les conclusions scientifiques peuvent être utiles. Lorsque confronté à une revendication américaine à l’effet que la tête de mon poney en plastique ressemble trop au modèle le plus vendu de poney en plastique protégé par le droit d’auteur, j’ai contre-attaqué avec un article rédigé par un biologiste évolutionniste renommé qui expliquait pourquoi les visages des très jeunes mammifères partageaient tous des caractéristiques rondes communes. [L’avocat de la partie adverse a réorienté son emphase vers la similitude des cuisses et des croupes des poneys!]
IPIC : Si vous pouviez changer quoi que ce soit dans la discipline de la PI au Canada, qu’est-ce que vous changeriez et pourquoi?
RL : J’aimerais voir une meilleure harmonisation des lois canadiennes sur les secrets commerciaux. Plusieurs autres compétences ont adopté des lois qui pourraient servir de balise améliorée pour les praticiens.
IPIC : Qu’est-ce que vos pairs ignorent de vous?
RL : J’adore le canotage en solitaire. J’ai eu la chance de participer à un camp estival dans le parc Algonquin où j’ai appris à peaufiner mes techniques de canotage en solitaire. Nous avons perfectionné un vaste éventail de coups de pagaie après de nombreuses heures de pratique et plusieurs renversements imprévus dans le lac. Vers la fin de mon adolescence, j’ai agi pendant plusieurs étés à titre de chef de canotage (et chef d’entreposage des canoës). Aujourd’hui, lors de nos visites à notre maison de campagne du lac Laurentien, je pagaie pour me rapprocher des huards et des canards et les regarder enseigner à leurs petits tout ce qu’ils doivent savoir sur la vie sauvage. Je suis également passionné (ma conjointe préfère le mot « obsédé ») de recherche sur l’étymologie des mots de langue anglaise.
IPIC : Quels conseils donneriez-vous à ceux et celles qui se joignent à la profession?
RL : Soyez audacieux et demandez à vos collègues plus expérimentés de vous conseiller; ils seront flattés et souvent impatients de partager leurs récits intéressants. Il n’est jamais trop tard pour peaufiner encore plus les connaissances du domaine de PI dans lequel vous exercez. L’an dernier, je me suis inscrit pour deux des quatre modules de l’IPIC sur les brevets, enseignés par des membres de l’Institut et conçus pour ceux qui, contrairement à moi, se préparent pour les examens d’agent de brevets. J’ai beaucoup appris. Enfin, apprenez à mieux connaître les avantages de la médiation et de l’arbitrage relatifs à la PI. Vos clients l’apprécieront grandement.