Mois de l'histoire des Noirs : Ismaël Coulibaly
Pour célébrer le Mois de l’histoire des Noir, au cours du mois de février l’IPIC va mettre en vedette des leaders de la profession de la PI sous forme d’une série de profils de membres. Les profils aident à promouvoir les contributions importantes de ces membres pour la profession de la PI et l’industrie, en plus de mieux faire connaître les enjeux auxquels ils ont été confrontés au cours de leurs carrières. Chaque profil comporte également des observations et des conseils pour inspirer la prochaine génération de leaders de la PI. Le profil est celui d'un membre de l'IPIC, Ismaël Coulibaly, Associé/Avocat et agent de marques de commerce, BENOÎT & CÔTÉ
À propos de Ismaël :
Ismaël Coulibaly est associé, avocat (Barreau du Québec) et agent de marques de commerce chez BENOÎT & CÔTÉ, un cabinet boutique de propriété intellectuelle basé à Montréal. Il possède plus de 10 ans d'expérience dans le domaine de la PI. Bien que la pratique d'Ismaël englobe tous les aspects de la PI (des brevets au droit d'auteur), elle est fortement axée sur les marques de commerce : procédures d’enregistrement, gestion de portefeuille, procédures contentieuses et litiges, licences et questions réglementaires. L'expertise d'Ismaël a été reconnue par l'édition 2023 du World Trademark Review (WTR 1000) en tant que World's Leading Trademark Professional. Parallèlement à sa pratique, Ismaël s'est impliqué au fil des ans dans le domaine de la PI, notamment en tant qu’administrateur de la dernière édition du FORPIQ (Forum International de la Propriété Intellectuelle Québec). Depuis 2010, Ismaël tient un compte Twitter dans le domaine de la propriété intellectuelle @Balmayer.
Pourquoi l’équité, la diversité et l’inclusion sont-elles importantes pour la profession de la PI?
Le « business case » en faveur de la diversité, de l'équité et de l'inclusion (DEI) a déjà été fait, de nombreuses études ayant confirmé les avantages importants qui peuvent être tirés de la DEI en milieu de travail. La diversité des origines et des expériences s'accompagne nécessairement de points de vue différents. Ces différentes perspectives élargissent les horizons et alimentent une réflexion plus profonde, ce qui conduit finalement à des solutions plus réfléchies. Dans un domaine comme la PI, où la créativité et l'innovation sont au cœur de ce que nous faisons, il serait dommage de s'en priver ! La propriété intellectuelle est déjà une niche et peut sembler être un domaine du droit difficile à pénétrer. C'est du moins ce que j'entends dire. Au fil des ans, j'ai vu de multiples aspirants talentueux se réorienter vers d'autres domaines de droit, par défaut, faute d'avoir eu une opportunité en PI. Dans un tel contexte, je pense que la présence d'un plus grand nombre de professionnels Noirs (ou une plus grande diversité ethnique en général) contribuerait à ce que les aspirants et jeunes praticiens en PI se sentent mieux accueillis, à renforcer un certain sentiment d'appartenance et à leur permettre de s'épanouir. Le faible nombre de professionnels Noirs dans le domaine de la PI peut également créer un problème de perception. Si je regarde la récente édition 2023 du classement WTR 1000 du World Trademark Review—qui répertorie les principaux praticiens canadiens en marques—j'ai assez d'une main pour compter les professionnels Noirs répertoriés (moi y compris)... parmi les 252 personnes recommandées. En fait, je n'aurais même pas besoin de tous mes doigts. De tels classements sont considérés comme des ressources "go-to", servant de baromètre de connaissances et de compétences pour le public et les clients potentiels. Je pense qu'une liste aussi homogène de professionnels peut être le fondement d'un biais de perception inconscient. En outre, les gens ont tendance à embaucher des personnes qui leur ressemblent. Et des gens ayant un bon "cultural fit" avec le cabinet. Ce qui peut finalement constituer un obstacle à la diversité. Plus de professionnels Noirs dans les postes de décision serait certainement bénéfique à cet égard. D'un point de vue plus positif, nous commençons à le voir dans certains cabinets et j'ai le sentiment que la communauté PI canadienne fait des pas dans la bonne direction. Cette série de portraits de membres de l'IPIC pour le Mois de l'histoire des Noirs en est un exemple éloquent. Ce qui me donne l’occasion de remercier l’IPIC pour ça ! Je crois aussi fermement que la communauté PI a une ouverture et une sensibilité naturelles envers la diversité, car beaucoup d'entre nous collaborent étroitement avec des correspondants étrangers dans diverses juridictions. Des personnes que nous apprécions, respectons et considérons comme égales malgré leurs différences.
De quelles réalisations êtes-vous la plus fière?
Avec un père originaire d'un petit village isolé de l’est du Sénégal, le simple fait d'être ici est une victoire pour moi. Je ne peux que me sentir reconnaissant pour ce que j'ai aujourd'hui. Et j'ai l'impression que le Canada est un pays qui sait donner sa chance à ceux qui savent la saisir. Le fait d'être classé dans le WTR 1000 (éditions 2022 et 2023) a certainement été un moment fort. Ainsi que le fait de pouvoir représenter mon cabinet sur la scène internationale lors des réunions annuelles de l'INTA. La nomination comme Gouverneur de le relève par le Barreau du Québec est également un accomplissement que je chéris. Mais au-delà de la destination, c'est davantage le parcours qui me rend le plus fier. Avoir réussi à me faire un nom et à bâtir une pratique au fil des ans grâce à d'innombrables articles, publications, conférences, allocutions, cours, événements de réseautage, implications bénévoles, etc. En tant que grand introverti, nouveau venu dans un pays étranger (immigré de France en 2009) sans relations ni connaissance du marché juridique, issu d'un milieu familial à mille lieues du monde des affaires, ayant dû apprendre l'anglais pratiquement à partir de zéro, et ayant fait mon stage dans un très petit cabinet loin du prestige des grands bureaux : sortir de ma zone de confort, affronter mes peurs, et "grinder" a porté ses fruits. Avec le recul, je me rends compte que la résilience est le mot clé de ce cheminement. Je dis tout cela pour ça puisse inspirer d'autres personnes et les encourager à ne pas abandonner. Enfin (et c'est le plus important), jongler avec une carrière épanouissante et passer beaucoup de temps avec ma fille de 15 mois. Faire un choix de vie conscient vers la recherche d’un équilibre, et ne pas perdre de vue les vraies priorités de la vie (autres que les priorités de la Convention de Paris).
Quels conseils aimeriez-vous formuler aux nouveaux membres de notre association qui cherchent à faire progresser leur carrière?
Trouver un mentor sera très bénéfique. Ça a joué un rôle déterminant pour moi et a été essentiel dans mon développement professionnel au fil des ans. J'ai assisté à une séance d'information sur le mentorat du Barreau du Québec en 2013, je me suis inscrit au programme, et on m'a attribué un mentor très attentionné et bienveillant. À ce jour, j'accorde toujours une grande importance à son opinion. Les mentors sont déjà passés par les chemins que vous cherchez à emprunter. Ils connaissent les règles du jeu. Le partage de leur expérience et de leurs idées vous ouvrira les yeux sur de nouvelles perspectives. « You don’t know what you don’t know » comme dit l’adage ! Un mentor peut vous aider à trouver et à suivre les sentiers battus plutôt que de devoir défricher un terrain vierge par vous-même, sans conseil ni orientation. En dehors de cela, vous devez vous impliquer et sortir de voter zone de confort : faites des choses qui vous mettront au défi et vous vous montrerez à la hauteur. Allez à des conférences où des professionnels de la PI sont présents, à des salons d’affaires, présentez-vous, interagissez et montrez votre intérêt, publiez des articles, participez à des webinaires, des ateliers, etc. Tout cela s'accumulera avec le temps. J'aime le dicton « ce qui est fait dans l'obscurité trouvera toujours un moyen de briller ». Continuez à faire les bonnes choses. Je crois qu'il n'y a pas de substitut ou de raccourci au travail acharné, au dévouement, à la régularité, et à la patience. Commencez (tôt) à construire une image de marque personnelle forte, distinctive, et authentique. N'hésitez pas à vous mettre en avant et à communiquer votre expertise et vos réalisations avec passion. Votre différence sera votre force et vous aidera à vous démarquer. C'est là que vous devez mettre de côté votre syndrome de l'imposteur et agir comme le ferait quelqu'un qui veut devenir une référence dans le domaine. Et, bien sûr, tirez le meilleur parti de LinkedIn. C'est un très bon endroit pour se faire remarquer. Au fait, si vous lisez ces lignes, je vous invite chaleureusement à connecter. « Onward and upward » comme on dit !
Quel sera le plus grand défi pour la prochaine génération de dirigeants/dirigeantes NADC dans la profession de la PI?
La représentation est et restera un défi important. Je me souviens de la première fois où j'ai assisté à un rassemblement de praticiens en marques de commerce pour une conférence locale (information aimablement partagée par mon mentor). En entrant, j'ai remarqué qu'il n'y avait aucun BIPOC parmi les participants (environ 35 personnes). La représentation ne se fera pas du jour au lendemain. Elle nécessitera des actions concertées et des mesures structurantes, car personne ne peut aborder cette question de manière isolée. Par exemple, je crois que l'une des initiatives qui a contribué à faire bouger les choses a été le choix conscient que j'ai fait―lorsque j'étais impliqué dans l'organisation de FORPIQ en tant qu’administrateur―d’insister pour que Frantz Saintellemy (d'origine haïtienne), un entrepreneur de haut calibre dans le domaine de la technologie et qui connaît bien la propriété intellectuelle, soit le Président d’honneur et le conférencier principal (une première dans l'histoire de l’événement, et un grand succès). Ce n'est pas parce que nous ne les voyons pas, que ces personnes talentueuses n'existent pas. Mettre les projecteurs sur eux est important. Pour l'anecdote, je dois aussi dire que j'ai parfois eu l'agréable expérience de recevoir un appel de clients potentiels, disant qu'ils ont parcouru la liste des agents de marques, qu'ils sont tombés sur mon nom avec surprise, et qu'ils insistent pour que ce soit moi (et personne d'autre !) qui les assiste. La différence peut parfois être un avantage et un outil de distinction.
Comment vos antécédents/influences vous ont-ils mené à votre poste actuel et qu’est-ce qui vous a incité à offrir vos services à l’IPIC?
J'ai le sentiment que la propriété intellectuelle est le domaine idéal pour étancher ma curiosité intellectuelle et ma soif d'apprendre. Tout en laissant libre cours à ma créativité. La dimension internationale de la pratique, incluant les conférences à l'étranger, est également quelque chose qui me parle. J'ai suivi des cours de propriété intellectuelle pendant ma scolarité de Maîtrise en France et au Québec, et j'ai travaillé un été pour Juste pour rire comme assistante du directeur des affaires juridiques et commerciales. Mais je dois dire que j'ai eu la chance d'obtenir un stage dans un cabinet avec un gros volume en marques de commerce, où j'ai pu apprendre les ficelles du métier et bénéficier d'une grande autonomie dès le début. Il était important pour moi de participer à cette série de portraits de l'IPIC, car je crois qu'il faut toujours saisir l'occasion de s'exprimer sur un sujet aussi important que la DEI. Merci à l'IPIC pour cette initiative nécessaire !