Les droits issus de traités peuvent-ils protéger la propriété intellectuelle autochtone?
Nous savons tous que la même protection n’est pas accordée à toutes les formes de propriété intellectuelle (PI) autochtone. Bien que les outils conventionnels de PI veillent adéquatement à ce que les auteurs-compositeurs contemporains, les inventeurs et les titulaires de marques maintiennent le contrôle des produits qu’ils créent et fabriquent, ces outils sont moins utiles lorsqu’il s’agit du savoir traditionnel et de l’expression culturelle autochtone.
Qu’il s’agisse d’art et de mode, de savoirs sur les plantes médicinales, de propriété des écussons et des symboles et de connaissances géographiques jusqu’aux pratiques spirituelles et encore davantage, les communautés autochtones détiennent depuis des siècles un vaste éventail d’actifs de PI. Ces actifs sont souvent assujettis aux règles et aux attentes locales en ce qui a trait à leur emploi et aux personnes habilitées è le faire. Faire respecter ces règles est une toute autre histoire. La solution juridique idéale pour corriger ce problème devrait, au moins en partie, émaner du droit autochtone et être applicable dans les tribunaux canadiens.
Une solution proprement canadienne récemment proposée dans la Revue canadienne de propriété intellectuelle de l’IPIC consiste à invoquer la Constitution en tant que source de protection juridique. De la même manière que les Premières nations ont revendiqué des titres de terres ancestrales, certains groupes autochtones pourraient faire valoir leurs droits de PI en fonction de leurs droits ancestraux ou de droits issus de traités. Cette solution pourrait être une étape positive vers la réconciliation.
La solution constitutionnelle
L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 « reconnaît et confirme les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada ». Les tribunaux ont cité cet article pour faire respecter les droits de pêche, de chasse et de circulation des marchandises à travers les frontières, et de revendication des droits sur les terres ancestrales.
Le titre de propriété ancestral sur les terres découle de la reconnaissance du fait que « lorsque les colons sont arrivés, les Indiens étaient déjà là, ils étaient organisés en sociétés et occupaient les terres comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis des siècles. » (Calder et al c. Procureur Général de la Colombie-Britannique [1973] RCS 313). Lorsque des groupes autochtones ont le même lien historique avec leur PI, il est raisonnable de prétendre que le même fondement pour une réclamation pourrait s’appliquer.
L’article 35 s’étend bien au-delà de la protection des terres. Il protège en plus les pratiques, les coutumes et les traditions « qui font partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone concerné » (R. c. Van der Peet, [1996] 2 RCS 507). Cela peut inclure le droit d’auto-réglementer les pratiques qui faisaient autrefois « l’objet d’une réglementation autochtone » (R. c. Pamajewon, [1996] 2 RCS 821). Si les responsables communautaires ont toujours eu un droit de veto sur qui peut représenter des lieux sacrés sur des peintures ou d’autres œuvres d’art, ou s’il a toujours été reconnu que certains récits traditionnels étaient la propriété collective de la communauté, un fondement pourrait exister pour faire appliquer ces règles par un tribunal.
La détermination des droits issus de traités ou des droits autochtones qui pourraient s’appliquer dépend fortement de l’histoire et des faits. En plus, cette détermination est compliquée par certaines questions juridiques intervenantes, par exemple la question è savoir si le droit a été abandonné au cours de la période précédant l’entrée en vigueur de la constitution. En dépit de leurs enjeux, les droits issus de traités ou les droits autochtones peuvent être une importante source possible de droits de PI; ces droits devraient être considérés comme une option dans la boîte d’outils de chaque avocat plaidant.
Conclusion
La Commission de vérité et réconciliation (CVR) définit la réconciliation comme étant « un processus qui consiste à établir et maintenir une relation mutuellement respectueuse entre les peuples autochtones et non autochtones de ce pays. » L’article 35 est très utile à cet égard, car il permet la complémentarité entre les systèmes juridiques autochtones et non autochtones.
Le potentiel d’utiliser l’article 35 dans un contexte de PI n’a toujours pas été mis à l’essai. En plus, rien ne précise l’ampleur de « l’obligation de consulter » les peuples autochtones lorsque les gouvernements règlementent l’espace de la PI. Aborder ces questions demandera une importante recherche historique, ainsi que de braves demandeurs et avocats plaidants qui seront disposés à présenter ces cas types devant les tribunaux.
Pour en apprendre davantage sur la façon dont une revendication en vertu de l’article 35 pourrait se dérouler en pratique, veuillez lire l’article intitulé « Consitutionalized Rights to Indigenous Intellectual Property » dans le numéro 35 de la Revue canadienne de propriété intellectuelle.