Les demandes canadiennes d’enregistrement de marques pour les produits et les services relatifs à la marijuana attirent beaucoup d’attention dans le cadre de la session du Comité d’experts de l’Union de Nice
J’ai eu l’honneur de représenter l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC) à la 29e session du Comité d’experts de l’Union de Nice présentée à Genève du 29 avril au 3 mai 2019, au cours de laquelle le Comité a examiné des centaines de propositions reportées de la 28e session, en plus de centaines d’autres propositions et de 4 projets connexes présentés au cours de l’année. Évidemment, le Comité reportera à 2020 quelques centaines de propositions et un certain nombre de projets.
Le sujet d’actualité de cette année découle de la légalisation de la marijuana par le gouvernement du Canada et des demandes d’enregistrement de marques qui sont déposées à l’échelle mondiale pour des produits qui contiennent de la marijuana et du cannabis, ainsi que pour leurs produits et services dérivés.
Les délégués de la Suisse, d’Israël et de l’Australie ont présenté un total de 6 propositions relatives au cannabis et à la marijuana, notamment sur les plants et plantes de cannabis et le cannabis non transformé de la classe 31, le cannabis pour fumeurs de la classe 34, la culture du cannabis de la classe 44, le cannabis à des fins médicales et la marijuana à des fins médicales dans la classe 5.
Même si un certain nombre de délégués ont exprimé un soutien « théorique » pour l’adoption des propositions à titre d’éléments d’orientation sur la liste alphabétique de la classification de Nice, d’autres délégués étaient contre ces propositions. Les plus ardents opposants, la France, l’Italie et le Danemark, ont précisé qu’en raison du fait que leurs lois nationales interdisent la culture, la consommation, la possession et la vente du cannabis, ils considèrent que l’inclusion de ces types de produits sur la liste alphabétique de la classification de Nice enverrait aux demandeurs un message trompeur, suggérant une éventuelle levée de l’interdiction de ces types de produits. L’USPTO a ajouté que les propositions étaient inacceptables pour les États-Unis, car elles allaient à l’encontre de la politique nationale américaine.
Le représentant de l’International Trademark Association (INTA) et le délégué de l’Espagne ont cité l’article 7 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle, qui stipule comme suit :
Article 7
[Marques : nature du produit portant la marque]
La nature du produit sur lequel la marque de fabrique ou de commerce doit être apposée ne peut, dans aucun cas, faire obstacle à l’enregistrement de la marque.
Compte tenu de l’importance des demandes d’enregistrement de marques concernant de la marijuana et du cannabis pour le marché canadien et du fait que la plupart des demandes internationales émanent du Canada, l’IPIC a également commenté sur les points faisant l’objet d’une discussion.
L’IPIC a réitéré les commentaires formulés par les délégués de l’INTA et de l’Espagne, en plus d’ajouter que le Comité d’experts n’a pas comme mandat de commenter sur la légalité des modalités avancées. Les demandes qui comprennent ces modalités seront évaluées et traitées en fonction de chaque règle nationale de droit et procédure sur les marques de commerce (Article 2, paragraphe 1 de l’Arrangement de Nice). Le Comité a comme mandat de déterminer la classe dans laquelle ces produits et services doivent être énumérés pour favoriser l’uniformité de la classification de Nice (Article 3, paragraphe 3, alinéa ii de l’Arrangement de Nice). Étant donné que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a reçu plus de 500 demandes d’enregistrement pour ces produits et services connexes au cours des 6 derniers mois et que le chiffre d’affaires de l’industrie canadienne est d’environ 3,6 milliards de dollarsLe Financial Post mentionne que le chiffre d’affaires de l’industrie devrait atteindre les 5 milliards de dollars d’ici 2021. https://business.financialpost.com/cannabis/cannabis-industry-to-be-worthljust-5-billion-by-2021-amid-flat-rollout-high-costs
, il semble improbable que le bombardement de demandes canadiennes d’enregistrement de marques reçues dans vos bureaux respectifs provenant du Canada ralentira de sitôt. Pour assurer une classification cohérente de ces produits à l’échelle planétaire, l’acceptation de ces entrées sur la liste alphabétique de la classification de Nice serait certes utile, en plus de fournir l’uniformité nécessaire dans la classification de ces produits et services.
Le délégué du Canada a ensuite appuyé les commentaires formulés par l’IPIC concernant le marché. L’expert en classification de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a soutenu sans réserve les commentaires de l’IPIC sur les rôles et les obligations du Comité. Les délégués de l’Australie, d’Israël et de la Suisse ont appuyé tous les commentaires formulés par l’IPIC.
Les débats approfondis ont préparé adéquatement les délégués pour le vote sur la classification des modalités proposées pour inclusion sur la liste alphabétique de la classification de Nice.
Le Bureau international a formulé des commentaires qui ont solidifié la pratique canadienne sur la classification de Nice qui précise qu’un produit utilisé à des fins médicales devrait se retrouver dans la classe 5 par analogie à « plantes à fumer à des fins médicales » et qu’un produit qui n’est pas utilisé à des fins médicales devrait appartenir à la classe 34 par analogie à « herbes à fumer ».
Suite aux discussions, 3 des 6 propositions ont été acceptées pour inclusion sur la liste alphabétique de la classification de Nice. La proposition traitant de la culture du cannabis a été rejetée, car le délégué du Royaume-Uni a indiqué que ce service serait inclus sous l’expression plus générale culture de plantes qui a déjà été acceptée par la délégation pour inclusion sur la liste alphabétique en 2020. L’inclusion des expressions joint de marijuana et joint de cannabis sur la liste alphabétique de la classification de Nice a été rejetée, car certains pays incorporent TOUS les produits dérivés de la marijuana et du cannabis dans la classe 5.
Suite à l’ajournement des travaux par le Comité, les délégués ont participé à plusieurs conversations parallèles. Certains délégués ont posé des questions comme : Quels types de services pouvons-nous observer? Quels types de produits devrions-nous rechercher? Y a-t-il vraiment un marché durable pour ceci? Êtes-vous certain qu’il ne s’agit pas d’une lubie ou d’une mode temporaire? J’ai expliqué que je représentais l’IPIC et que je n’étais pas un analyste commercial; en toute honnêteté, je n’étais pas en mesure de prédire l’avenir du marché canadien du cannabis. Je pouvais cependant mentionner que l’augmentation du nombre de demandes canadiennes d’enregistrement de marques concernant des produits et services liés à la marijuana/au cannabis depuis la légalisation suggère que ces produits et services reflètent un marché en nette croissance.