Huit nuits et deux douzaines d’orthographes
CH, H, KH… ou est-ce que ça change quelque chose?
Vous êtes perplexe sur la façon de souhaiter de joyeuses fêtes à vos amis et collègues juifs cette saison? Vous n’êtes pas seul. L’Oxford English Dictionary répertorie 25 orthographes différentes pour nommer la fête de huit jours à venir, célébrée par les communautés juives partout dans le monde — et encore plus si l’on inclut le français — chacune avec un nombre variable de C, de H et de K (ma préférence personnelle est « Channukah ». L’article UnscrIPted de l’an dernier utilisait « Hanukkah »).
Et si ce mot était une marque de commerce? Est-ce que ces variantes importeraient?
L’essence de la protection d’une marque réside dans son pouvoir distinctif. L’utilisation d’une marque dans une forme différente de celle enregistrée risque de la rendre vulnérable à une radiation pour non-usage. Des variations peuvent être tolérées, mais uniquement dans la mesure où les caractéristiques dominantes demeurent les mêmes et où les différences sont si minimes qu’elles ne risquent pas d’induire en erreur un consommateur non averti. Entre parties, l’utilisation de marques orthographiées ou prononcées de manière similaire peut créer de la confusion chez les consommateurs, et peut même être considérée comme un « usage » d’une marque donnant lieu à une réclamation pour dépréciation de l’achalandage.
Une partie de la confusion entourant l’orthographe du nom de la fête vient du fait qu’il ne s’agit pas d’un mot anglais (il s’agit plutôt d’un mot hébreu signifiant « dédicace » — ici, du Temple de Jérusalem), et que l’anglais est notoirement complexe lorsqu’il s’agit de phonétique (une partie de « Go Ghoti », ça tente quelqu’un?).
Mais la phonétique compte lorsqu’il s’agit de marques de commerce.
Une marque peut être clairement descriptive, et donc non enregistrable, lorsqu’elle est considérée à l’oral. La confusion peut survenir selon la manière dont les marques sont prononcées. Dans un cas notable, la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu à un risque de confusion entre les marques STARBUCKS et SINZIBUCK en partie parce que, bien qu’« elles soient différentes lorsqu’on les considère sous leur forme anglaise, [elles] peuvent être perçues comme étant plus semblables par ceux qui sont familiers avec le cantonais et/ou le mandarin » (Starbucks Corporation c. David Silverthorne, 2018 COMC 53, par. 47). Même la Cour suprême a reconnu qu’il ne constitue pas une défense, dans une réclamation pour dépréciation de l’achalandage, de dire que la marque du défendeur est orthographiée différemment : « Si un observateur occasionnel reconnaîtrait la marque utilisée par les intimés comme celle de l’appelante (comme ce serait le cas si Kleenex était écrit Klenex), l’utilisation d’une [marque] mal orthographiée suffirait [pour établir l’élément d’“usage” dans une réclamation pour dépréciation de l’achalandage] » (Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, par. 48).
Ainsi, que votre souhait se lise « Joyeux Channuka », « Hannoukah » ou « Khanukkah » (ou même « Chag Samayach »), tant que les différences sont si peu importantes qu’elles ne risquent pas d’induire le destinataire en erreur, il devrait être chaleureusement reçu.